Photo : Vincent Ethier – Samuel Décarie-Drolet, actuel entraîneur de Leïla Beaudoin (sur la photo), Mary Spencer, Arthur Biyarslanov et plusieurs autres, en plus d’assister l’entraînement d’encore davantage d’athlètes, tels que ceux guidés par Marc Ramsay.
On compare souvent le métier d’entraîneur à celui d’enseignant. Samuel Décarie-Drolet est toutefois l’un des rares pour qui il ne s’agit pas que d’une comparaison, lui qui est non seulement l’un des hommes de coin le plus en vue au pays, mais aussi bachelier en enseignement de l’éducation physique.
« Mon plan, c’était de prendre le plus d’information possible pour pouvoir améliorer mes méthodes d’enseignement de boxe. J’ai fait des cours en psychologie sportive, en médecine, j’ai vraiment tout orienté vers la boxe », explique le diplômé de l’Université Laval et ex-enseignant de l’École secondaire Mont-Saint-Sacrement.
Mais, après trois ans d’ouvrage dans ce collège privé de la Capitale-Nationale, un retour dans la métropole s’est imposé. Au printemps 2015, Marc Ramsay avait besoin de son homme de confiance pour préparer David Lemieux à conquérir le titre mondial des poids moyens.
Quelques mois plus tard, Lemieux devenait champion du monde et Décarie-Drolet, lui, accrochait son sifflet d’enseignant pour rester homme de coin, mais ce, à temps plein.
La vraie introduction
Vous devinerez que l’appel de Ramsay n’est pas tombé du ciel. Bien avant d’enseigner à l’école, Samuel Décarie-Drolet le faisait dans les gyms de boxe. C’est d’ailleurs là, et non à un match du Rouge et Or d’U. Laval, que les deux hommes se sont connus.
Pour une raison secrète, l’âge de Samuel Décarie-Drolet doit demeurer secret, alors disons qu’il y a une vingtaine d’années, alors âgé d’une quinzaine, son cousin Antonin Décarie l’a amené avec lui dans au gymnase pour la première fois.
Antonin, alors débutant, était en voie de devenir l’un des boxeurs québécois les plus prolifiques de sa génération. Sam, lui, tomba également en amour avec la boxe, mais à sa manière. Athlétiquement, il aimait un peu trop – trop – de sports pour ne pratiquer que le noble art. Mentalement, cela dit, c’est la boxe qui occupait son esprit.
Ça, le jeune entraîneur de son cousin le remarqua bien vite, au Centre Claude-Robillard.
« Je suis devenu un grand fan et surtout un grand nerd de boxe. J’étudiais tout ce que je pouvais et Marc [Ramsay] s’est mis à me poser des questions : ‘Qu’est-ce que tu penses de ci? Comment tu ferais ça?’ Et m’a éventuellement proposé de venir entraîné avec lui », se souvient Sam ‘D-D’.
Aller voir ailleurs
Un peu comme il le fait aujourd’hui avec ses boxeurs, en tant que directeur de développement d’EOTTM, Marc Ramsay voyait loin avec Samuel Décarie-Drolet. Bien qu’à court terme, il apprécie son travail, il lui suggéra d’aller explorer d’autres écoles de pensée pour réellement pouvoir se développer en tant qu’entraîneur.
« Aussi, pour ne pas que les gens se disent : ‘lui, il a juste eu sa chance à cause de son cousin’ », ajoute le principal intéressé, qui fit notamment ses classes aux clubs Legend et Ring 83, avant de poursuivre son pèlerinage de boxe à Québec.
Là-bas, il jeta l’ancre au club Le Cogneur de Rémi Bizier qui lui laissa éventuellement le gouvernail de navire, à lui et à un jeune boxeur amateur devenu entraîneur… un certain Vincent Auclair. Entre-temps, il apprend la route Québec-Montréal sans boussole en continuant d’aider Ramsay régulièrement, notamment avec Jean Pascal, Antonin Décarie ou encore avec Kevin Bizier, pour ne nommer que ceux-là.
D’une aventure à l’autre
Malgré tout, faire rouler Le Cogneur et naviguer sur l’autoroute 20 n’était toutefois ses seuls passe-temps et gagne-pain.
« Moi, dans le fond, j’ai fait un paquet d’affaires », lâche-t-il spontanément.
Pour bien l’imager, disons que Samuel Décarie-Drolet est un genre de mélange entre Angelo Dundee et Indiana Jones.
Car un peu comme le mot enseignant, le terme « aventurier » n’est même pas une métaphore avec lui. Avant de retourner aux études, il était littéralement guide de tourisme d’aventure ; escaladant et naviguant à la rame les défis que mère Nature a à offrir, souvent ceux que les adeptes de confort trouvent inconfortables.
« C’est très dur pour le corps et tu ne peux pas faire ça toute ta vie. C’est pour ça que je voulais avoir un plan B et que je suis retourné à l’école », nous explique celui qui gagne maintenant bien sa vie à l’Académie de Boxe Ramsay, mais avec son plan A.
Leçons, écoute et vice versa
Aujourd’hui, l’homme de coin possède près d’une trentaine d’années de vécu dans certaines des meilleures écoles de boxe la province. Même alors, le statut d’enseignant ou d’entraîneur d’expérience ne lui enlève en rien le titre d’éternel élève de son sport.
« C’est quand même assez rare dans le milieu, mais je n’ai pas d’ego. Si quelqu’un m’amène une nouvelle idée qui peut amener des résultats, je vais toujours écouter. »
Cette mentalité, il l’applique autant avec ses confrères entraîneurs, que ses athlètes.
« Je suis quelqu’un de ferme dans mes exigences, mais d’ouvert à la communication. Oui, on est dans un monde de performance, mais au final ce sont eux – pas moi – qui prennent les coups, alors ma priorité sera toujours le bien-être de l’athlète avant tout », achève-t-il, contacté par téléphone au son du train Montréal-Toronto, en route pour aider Steve Rolls à affronter Steven Butler, le 7 mars prochain.
Les grands moments
Une grande première? « J’étais pas mal stressé pour les débuts professionnels d’Antonin, mais dans le coin, honnêtement, j’étais plus un figurant qu’autre chose à cette époque-là. »
Une grande victoire? La même que Marc Ramsay : celle d’Alvarez en 7 rounds face à Kovalev, en août 2019. « Avec Eleider, on avait fait une grosse préparation en Colombie. C’était ce combat-là, mais c’était aussi toute l’attente derrière Adonis Stevenson pendant trois ans… de l’emporter au final, ç’a été vraiment spécial. »
Un grand regret? « Il faudrait que je réécoute le combat, mais je me rappelle que j’avais Mary en avance 4-1 dans la première moitié du combat revanche contre Femke Hermans, alors j’ai de la misère à voir comment on a pu échapper la perdre. Aussi, en la connaissant mieux aujourd’hui, j’aurais sans doute pu la pousser un peu plus, mais ça, c’est facile à dire après. »
Un grand soir? « À Québec [le 13 janvier dernier], c’en était un spécial pour moi, parce que j’étais dans le coin de cinq combats, explique celui qui était ‘en chef’ de quatre de ceux-ci, alors que Marc Ramsay restait auprès d’Artur Beterbiev toute la soirée. Je l’avais déjà fait, mais là, les enjeux étaient plus élevés ; pour Artur, on le sait, mais il y avait Christian qui se battait sur ESPN et qui voulait se mettre sur la map, Leïla qui était dans un combat revanche… C’était vraiment quelque chose. »
Un grand athlète? Avec un ‘prof’ d’éducation physique, on ne pouvait pas passer à côté de celle-là… « Ça dépend de ce que tu demandes. Si tu veux un backflip : Arthur Biyarslanov. Si tu veux un sprint : Christian Mbilli et all-around, évidemment, difficile de ne pas mentionner Artur Beterbiev. »